Carmina Burana
- 1. "Fas et nefas ambulant"
- 2. "Tempus transit gelidum"
"Fas et nefas ambulant"
Fas et nefas ambulant Justice et injustice vont
passu fere pari; à peu prés du même pas;
prodigus non redimit le dépensier n'est pas quitte
vitium avari; du vice de l'avare;
virtus temperentia la vertu doit considérer
quadam singulari avec une singulière
debet medium modération
ad utrumque vitum le milieu entre les deux vices.
caute contemplari.
Si legisse memoras Si tu te souviens d'avoir lu
ethicam Catonis, l'éthique de Caton,
in qua scriptum legitur : où il est écrit :
"ambula cum bonis" « évolue parmi les justes »,
cum ad dandi gloriam quand ton âme est prête à
animum disponis, un don glorieux,
inter cetera entre tous
hoc primum considera, pense en premier lieu à
quis sit dignus donis. distinguer qui soit digne de ce don.
Dare non ut convenit Donner à qui ne convient pas
non est a virtute, n'est pas vertu,
bonum est secundum quid,
et non absolute; n'est pas le bon absolument :
digne dare poteris cela dépend d'à qui l'on donne;
et mereri tute tu pourra donner dignement et accroître
famam muneris, ta juste renommée,
si me prius noveris si auparavant tu me connais
intus et in cute. du dedans et du dehors.
Vultu licet hylari, Certes, il sied bien
verbo licet blando que ton visage soit rayonnant,
sis equalis omnibus; que tu donne un mot poli à chacun;
unum tamen mando : mais je te demande une chose :
si vis recte gloriam si tu veut acquérir un renom véritable
promereri dando, par ta générosité,
primum videas sache d'abord distinguer
granum inter paleas, le grain du son,
cui des et quando. à qui tu donnes et quand.
Si prudenter triticum Quand tu aura prudemment trié
paleis emundas, le son du grain,
famam emis munere; tu recevra la gloire pour ton don.
sed caveto, dum das, Mais garde-toi de te laisser submergé
lergitatis oleum par l'huile de la largesse.
male non effundas
in te glorior : Je me glorifie de toi :
cum sim Codro Codrior, si je suis plus pauvre que Job,
omnibus habundas. toi tu as tout en abondance.
"Tempus transit gelidum"
Tempus transit gelidum, Le temps glacé s'en va,
mundus renovatur, le monde se renouvelle,
verque redit floridum, le printemps fleuri revient,
forma rebus datur. la beauté est rendue aux choses.
Avis modulatur, L'oiseau chante,
modulans letatur. et par son chant se réjouit.
Lucidior Plus clair
et lenior et plus doux,
aeriam serenatur; l'air déjà se rassérène;
iam florea, déjà fleurie,
iam frondea déjà feuillue,
silva comis densatur. la forêt épaissit ses frondaisons.
Ludunt super gramina Sur l'herbe jouent
virgines decore, de gracieuses donzelles;
quarum nova carmina leurs chants nouveaux
dulci sonant ore. résonnant doux à leurs lèvres.
Annuunt favore Les oiseaux accordent leurs chants
voluchres canore, joyeusement aux leurs
favent et odore et la terre florissante
telllus picta flore. exhale ses parfums.
Cor igitur Le coeur donc
et scingitur est entouré
et tangitur amore, et touché par l'amour,
virginitues quand donzelles
et avibus et oiseaux
strepentibus sonore. s'allient en leurs chants.
Tendit modo recia Il tend ses filets,
puer pharetratus; le bambin au carquois;
cui deorum curia le coeur des dieux même
prebet famulatus, le sert,
cuius dominatus lui dont la puissance
nimium est latus, est si grande;
per hunc triumphatus par lui je suis vaincu
sum et sauciatus : et blessé :
pugnaveram je me suis battu
et fueram et j'ai résisté
in primis reluctatus, de prime abord,
sed iterum mais finalement
per puerum par ce bambin
sum Veneri prostatus. je suis devenu un valet de Venus.
Unam, huius vulnere Celle-là même dont la blessure
saucius, amavi, m'a atteint, je l'ai aimée
quam sub firmo federe et je l'ai liée
michi copulavi. à moi par un lien solide.
Fidem coniuravi, J'ai juré ma foi,
fidem violavi; j'ai violé ma foi;
rei tam suavi à cette si douce chose
totum me dicavi. je me suis entièrement donné.
Quam dulcia Comme ils sont doux,
sunt basia les baisers de la jeune fille !
puelle ! iam gustavi : Je les ai bien goûtés :
nec cinnanum ni la cannelle,
et balsamum ni le baume
esset tam dulce favi ! ne peuvent être aussi doux.
Vrowe, ih pin dir undertan; Femme, je te suis soumis !
des la mich genezien ! Laisse-m'en jouir !
ih dienne dir, so ih beste chan; Je te sers au mieux que je puis;
des wil dih verdriezen. cela semble te contrarier.
Ni wil du mine sinne Tu veux maintenant à ma passion
mit dime gewalte sliezen. imposer de force une fin.
Nu woldih diner minne Je voudrais maintenant goûter
vil suze wunne niezen. tant de délices.
Vil reine wip, Très pure dame,
din schoner lip ta belle bouche
wil mih ze sere schiezen ! veut trop me torturer !
uz dime gebot A tes décrets
ih nimmer chume, je me soumets toujours,
obz alle wibe hiezen ! même si toutes les femmes m'appelaient !
- baume
- résine odoriférente que l'on extrait des bourgeons du
baumier (ou balsamier).
- Caton
- dit Caton l'Ancien ou Caton le Censeur
- homme d'Etat romain, né à Tusculum (234 - 149 avant
Jésus-Christ). Censeur en 184 avant Jésus-Christ, il
s'efforça d'enrayer le luxe et de lutter contre les moeurs grecques
à Rome. Consul en 195, il incarna la politique à la fois
conservatrice et nationaliste de l'oligarchie sénatoriale,
s'attaquant à briser le pouvoir des Scipions et la puissance de
Carthage. Caton fut aussi un des premiers grands écrivains de
langue latine (De re rustica, les Origines).
- Cupidon
- dieu romain de l'Amour
- Vénus
- déesse de l'Amour et de la Beauté